Najibullah : Champion sur le tatami et dans la vie
« On vient de très loin, et nous avons un seul objectif – être quelqu’un pour nous-même. Travailler, rester sur nos pieds et continuer notre vie. Nous n’avons pas d’autre choix. » Najibullah.
Il est double champion suisse de taekwondo et étudiant à l’École Hôtelière de Genève. Pourtant rien ne le prédestine à un tel avenir : son parcours hors du commun en est la preuve.
En discutant avec Najibullah de sa vie, des expériences qu’il a vécues et des choix qu’il a faits, on peut retenir deux choses : son agilité et sa persévérance. Et ce n’est pas l’agilité dans la pratique du taekwondo dont il est question ici, mais la capacité de Najibullah à tourner une situation désagréable à son avantage.
Lorsqu’il arrive en Suisse, il obtient un permis F qui ne lui permet pas de sortir du pays. Un ami lui conseille de s'essayer au taekwondo. Najibullah y prend goût, au point qu’en l’espace de six mois il devient vice-champion de Suisse, sans jamais avoir pratiqué cette discipline auparavant. Deux mois plus tard, il est sacré champion suisse. Il demande alors un visa qu’il obtient pour pouvoir participer aux compétitions internationales, et visite l’Europe avec l’équipe nationale suisse. Il gagne une seconde médaille d’or avant d’arrêter la pratique pour se concentrer sur ses études, où la persévérance est également au rendez-vous.
Difficile de croire que lorsqu’il quitte son pays natal seul à l’âge de quinze ans, Najibullah est déscolarisé et sans diplômes. S’ensuit une traversée d’une dizaine de pays, de petits boulots, d’apprentissage du turc en quelques mois, et de rencontres décisives qui vont l’amener jusqu’à son dernier stop, la Suisse.
En Suisse, il doit faire face à de nouveaux défis : foyer, classe d’accueil, apprentissage du français – Najibullah s’adapte et s’intègre à son nouvel environnement avec aisance.
Son objectif est clair : entrer en école supérieure. En classe d’insertion professionnelle, il obtient plusieurs apprentissages et stages, notamment dans la mécanique de voiture, qui ne le satisfont pas complétement. En 2019, sélectionné parmi cinquante candidat·e·s, il commence un CFC en restauration à l’École Hôtelière de Genève.
En 2022, CFC en poche, il sort de l’Hospice Général et échange son permis F pour un permis B. Désormais plus rien ne l’arrête : il rejoint l’École Hôtelière de Genève en tant qu’étudiant à part entière. Objectif atteint. Pour pallier le coût de la formation, il se tourne vers le CSP, qui l’aide à obtenir une bourse de la Fondation Hans Wilsdorf qui lui permettra de financer ses études, qu’il choisit de réaliser en deux ans au lieu de trois, montrant une fois de plus son ambition.
« Je ne perds jamais confiance en moi. Quand je commence quelque chose, je vais jusqu’au bout, que cela me plaise ou non. Jusqu’à présent, je n’ai rien fait à moitié », explique Najibullah.
Mais pourquoi Najibullah a-t-il eu besoin de Yojoa ? Parce que voilà, il doit effectuer un stage de six mois pendant ses études et là, ça coince.
« Quand les entreprises voient que nous sommes réfugié·e·s, elles nous ferment la porte. Je l’ai vécu », partage Najibullah.
Un ami lui conseille de se tourner vers Yojoa, qui à ce moment-là loue un bureau à l’espace Regus aux Charmilles, où travaille Marion du groupe IWG*. L’équipe de Yojoa et Marion se connaissent bien et échangent régulièrement.
Un jour, Marion est chargée de recruter un·e stagiaire pour un poste de community associate pour un de leur centre Spaces. Ça tombe bien, Yojoa a rencontré Najibullah et recommande son dossier à Marion qui le convoque pour un entretien. Il est choisi entre trois autres candidat·e·s et est engagé en septembre 2023.
« Le fait que Najibullah soit issu de la migration n’a même pas été évoqué au moment de la prise de décision. Nous avons simplement vu un profil motivé et recommandé par une organisation en qui nous avons confiance. Avec Najibullah, toutes les cases étaient cochées », partage Marion.
Marion explique que cette collaboration fructueuse avec Najibullah a même inspiré Spaces, à développer un partenariat avec l’Ecole Hôtelière de Genève, afin de permettre aux étudiant·e·s de postuler plus facilement pour leur stage d’études. Un bel exemple de l'impact positif qu'une opportunité peut avoir, tant pour un jeune talent que pour une entreprise prête à s'ouvrir à de nouveaux profils.
Aujourd’hui, Najibullah continue de regarder l’avenir avec ambition.
« Je suis venu jusqu’ici, mais ce n’est pas la fin de l’histoire. J’ai encore beaucoup à accomplir », dit-il en souriant.
Chose faite, car il ne lui reste plus que quelques examens à passer pour obtenir son diplôme de l’Ecole Hôtelière de Genève. En attendant de les réussir, il a décroché un stage par ses propres moyens dans une banque – un domaine qu’il a toujours voulu explorer. Décidement, rien ne l’arrête.
Najibullah a beaucoup de projets pour son avenir, et l’un d’entre eux est d’ouvrir une école hôtelière en Afghanistan avec les connaissances qu’il a acquises en Suisse. Son but est de développer son pays et montrer que l’image qui en est donnée est fausse :
« Je veux qu’on connaisse le vrai Afghanistan. » Najibullah.
*L’International Workplace Group (IWG) est une entreprise spécialisée dans les espaces de travail flexibles et de coworking. Elle possède plusieurs marques, dont Regus et Spaces.